Actualité RHLes red flags que vous ignorez… mais pas vos candidats

Actualité RH

7 minutes

Les red flags que vous ignorez… mais pas vos candidats

Mick Nertomb

Si les recruteurs viennent de Mars, les candidats eux viennent de Vénus, et c’est effectivement tout un système planétaire qui les sépare. Au point que chaque expression, chaque procédé, chaque intention peut avoir deux significations très distinctes selon le récepteur : d’un côté une formulation peut sembler impactante comme jamais pour un recruteur alors qu’en réalité… 99% des candidats se figent dans une sorte de flashback post-traumatique face aux simples mots “environnement challengeant”.

Question d’équilibre. 

Alors comment s’en sortir ? Vous pouvez méditer l'impartial message de ceux qui balancent entre les deux univers : nous vous avons en effet déniché 6 red flags particulièrement inexcusables pour les candidats… mais peu identifiés par les équipes de recrutement. Et on vous dit même par quoi les remplacer.

L’inhabilité à (clairement) expliquer ce que fait l’entreprise

Le problème 

Née en 2006, COGIP* compte sur ses 70 cultural shift architects, et sur un écosystème ouvert de plusieurs centaines de partenaires. COGIP*, ce n’est pas une forme fixe, figée, définitive. C’est un projet qui évolue constamment, principalement grâce aux talents et aux rencontres.

*nom modifié mais texte authentique

Après avoir lu ceci, êtes-vous en mesure d’expliquer l’activité de cette entreprise ?

(Si la réponse est oui, merci de m’envoyer un mail à [email protected] avec votre interprétation et je me ferais un plaisir de vous faire parvenir une surprise si vous avez la bonne réponse !)

Par contre, si comme pour le commun des mortels, la réponse est “Non”, alors vous comprenez le problème.

Personne ne pourrait déchiffrer cela, pas même Maître Capello ou Sherlock Holmes.

Pourquoi ? Parce que le contenu a été pensé pour tout sauf accomplir ce qui est réellement attendu de lui à ce moment précis : expliquer aux candidats, en un paragraphe, ce que l’entreprise fait.

Ici, même si les lettres forment bel et bien des mots qui forment eux-mêmes des phrases (plus ou moins) intelligibles, la forme du discours n’est pas du tout adaptée au contexte, et commencer une offre d’emploi - soit les premières phrases que le candidat va lire - par de la novlangue corporate sûrement destinée à impressionner des investisseurs sensibles aux buzzwords c’est… particulièrement audacieux mais peu efficace.

Comment les recruteurs se voient 
Comment les candidats les voient

La solution
Miser sur la clarté.

L’idée est d’être le plus explicite possible, le plus tôt possible. Aller droit au but pour, en une phrase, parfaitement traduire l’activité de l’entreprise. Ensuite seulement vous pouvez déployer votre storytelling.

Ainsi, préférez : 

Payplug est la solution de paiement française pensée pour les commerçants, e-commerçants de toutes tailles et fintechs.

ou

Chez Yousign, nous réinventons l’expérience de signature électronique grâce à une solution SaaS rapide, légale et sécurisée, 100% européenne.

À la place de :

COGIP est une startup créée en 2015 avec une croissance forte à deux chiffres depuis 2018, qui allie technologie et sens du service au quotidien.

La “famille”

Le problème 
A vrai dire, ici, le problème n’est pas étymologique (même si l’analogie entre une famille et les employés d’une entreprise est quand même très, très étrange de base), car sans trop de souci, tout le monde comprend assez bien l’idée derrière l’expression. Une famille est soudée. L’entreprise cherche alors à exprimer l’idée de solidarité, d’entraide au sein de ses rangs via une métaphore.

Le problème, c’est que cette expression a été utilisée à outrance… par des entreprises qui n’ont rien d’une famille.

Ce que les recruteurs pensent 

Cela représente tous les avantages d’une famille : la proximité, le soutien, la cohésion

Ce que les candidats pensent

Cela représente tous les inconvénients d’une famille : être coincé avec des gens que je n’ai pas choisi, faire semblant d’apprécier être là, devoir être présent sans conditions, devoir tolérer l’oncle beauf lors des repas

La fausse solution
Utiliser l’argument uniquement lorsque l’entreprise est réellement familiale.

Par exemple si vous vous appelez COGIP & Fils.

Mais du coup… est-ce toujours un argument de marque employeur ?

La vraie solution
Oubliez les métaphores. Dites simplement les choses. Vos équipes sont tellement soudées qu’elles ne peuvent pas passer deux jours sans organiser un after ? Dites-le. C’est beaucoup plus clair, plus sincère et plus concret que toute formulation un peu bateau qui déclenche chez tous les candidats une sorte de spasme incontrôlable.

L'expérience candidat perdue dès l’annonce

Le problème 
Quel est le point commun entre : 

  • Devoir créer un compte sur une plateforme dédiée pour postuler (et accessoirement devoir entièrement recopier ses expérience dans des champs dédiés après avoir pourtant uploadé son CV)

  • Devoir participer à un test de personnalité, de compétence, ou à un jeu vidéo lors du processus de recrutement

  • Devoir fournir une lettre de motivation vidéo ou répondre à des questions en vidéo pour candidater ?

Simple, tous ces éléments représentent les principaux freins à la candidature mentionnés par les candidats au sein du Baromètre de l’Expérience Candidat 2022.

Pour la majorité d’entre eux, la présence d’un seul de ces freins est assez pour soit ne pas aller au bout du processus de dépôt de leur candidature, soit stopper net un process en cours (la plupart du temps par ghosting).

Pourtant, ces procédés sont très répandus et certains jouissent même d’un boost de popularité assez récent.

Alors pourquoi mettre en place des process ou outils que les candidats rejettent ouvertement ?

Tout simplement parce que l'on n'est pas forcément au courant de l’impact d’actions qui parfois, paraissent bénignes.

Ce que les recruteurs pensent 
Que tous ces outils et procédés leur permettront de gagner du temps. Ce qui peut s’avérer vrai… mais à quel prix ?

Ce que les candidats pensent
Que tous ces outils et procédés leur font perdre leur temps. 

La solution
Le recrutement est une question d’équilibre. Il faut presque être un funambule pour rester concentré sur les deux aspects majeurs de la discipline : la perception de l’entreprise, et celle du candidat.

Chaque réflexion doit donc porter sur ces deux axes, et il est primordial de : 

  • Se former, consommer du contenu pour découvrir les réelles attentes des candidats, basées sur de la donnée neutre, pour éviter de trop tendre d’un côté

  • Toujours intégrer cette double vision dans le déploiement d’outils, de process ou d’une stratégie globale de recrutement : penser “quel est l'intérêt pour mes candidats ?”, “Est-ce que cela améliore ou dégrade l’expérience de candidature ?

Le paraître cool

Le problème 

Salut ! Si toi aussi tu es drivé par une volonté incommensurable de changer le monde - une fraise tagada à la fois -, rejoins notre team d’A-players forever young du btobtoctobtoc marketing qui réinvente le monde la confiserie vegan low carbon à l’aide de solutions holistiques basées sur des algorithmes deep learning-driven

Tous les jours tu te diras “c’est quoi ce poulet ?” devant les bails du bureau, alors que tu enchaineras les dossiers entre une partie de FIFA ou de Call of. Rejoins-nous !

Ici aussi, le problème n’est pas forcément le contenu en lui-même, mais davantage le “Syndrome de Fonzie” qui pousse certains acteurs à adopter un discours qui n’est originellement pas le leur, en pensant que ce dernier aura un impact positif auprès de la cible visée.

Autrement dit, si votre culture d’entreprise est réellement d’être “forever young”, il n’y a aucun problème à parler comme cela. Du moins si vous êtes prêts à en assumer les conséquences.

Par contre… si vous êtes une banque d'affaires, un établissement de santé, une société de transport ou si globalement n’importe quelle entreprise qui ne souhaite pas vraiment être tournée en ridicule sur les réseaux sociaux… évitez.

Comment les candidats voient les entreprises qui tentent cette approche

La solution
Les études montrent que, quelles que soient les générations, les candidats attendent toujours la même chose : obtenir les informations qu’ils recherchent, afin de pouvoir postuler rapidement et sans effort.

En 2019, l’acteur Milkround avait par exemple mené une enquête sur le taux de compréhension des offres d’emploi comportant du jargon et les résultats furent (logiquement) sans appel : 3 candidats sur 5 décidaient de ne pas postuler aux offres bourrées de buzzwords.

De ce fait, peu importe la cible, la complexité du métier ou votre appétence à maîtriser le discours djeunz ou startupien, en optant pour l’annonce classique, claire et compréhensible, vous partez avec beaucoup plus de certitudes qu’avec l’annonce typée cool.

Le manque de communication

Le problème 
Un interlocuteur apathique et désintéressé, un processus de recrutement qui dure des mois, des tours d’entretien à n’en plus finir… nul doute : vous connaissez vos classiques sur ce qu’il ne faut plus faire lorsque viennent les entretiens. Mais aujourd’hui, ce qui fait facilement décrocher les candidats, c’est aussi le statu quo. 

Ce moment où tout est bloqué, du moins du point de vue du postulant, car il n’est malheureusement au courant de rien.

Alors il se désengage, disparaît, ou avance avec une autre entreprise alors qu’en réalité, il n’y avait aucun blocage, uniquement un manque évident de communication entre les parties.

Pour vous, c’était le rush, il y avait un appel à passer un vendredi mais entre toutes les autres sollicitations, les réunions, les calls et les entretiens, vous avez décalé. Vous avez toutes les bonnes excuses du monde mais ce candidat pourtant prometteur décide de ne plus répondre une fois recontacté. C’est incompréhensible.

Pourquoi ?

De son point de vue, le candidat ne retient qu’une chose : la promesse d’un retour à une date X, qui n’a pas été respectée.

La solution
Transparence et communication.

L’erreur de l'exemple ci-dessous, c’est d’avoir décalé l’appel sans en avoir informé le candidat. Ce dernier a passé la journée entière à attendre, puis un week-end entier à se demander ce qu’il a pu faire de mal. 

Le lundi, tout était déjà fini.

Principalement parce que cette situation constitue une mauvaise expérience de recrutement… et qu’il s’agit selon l’étude de staffingindustry.com de la principale cause entraînant le ghosting des candidats.

Pourtant, en 2 minutes tout cette dramaturgie aurait pu être évitée par la rédaction d’un simple et rapide email pour informer le postulant du retard, et le soulage de trois jours de prise de tête.

Donc oui, la solution tient en deux mots : transparence et communication.

L’absence de salaire

Le problème 
Aujourd’hui, un candidat sur deux ne postulera pas si le salaire, où au moins une fourchette, ne figure pas sur une offre d’emploi. Que cette offre lui corresponde ou non, que le candidat soit qualifié ou non.

Faire le choix de la non-transparence (qui reste aujourd’hui très majoritaire, avec 2 annonces sur 3 publiées sans mention de la rémunération), c’est donc ouvertement diviser par deux ses chances de recruter. C’est tout simplement gargantuesque. 

Pire, plus les candidats sont qualifiés, plus ils sont exigeants, ou plutôt intransigeants. Cette moitié de postulants perdus n’est donc pas relative, parfaitement aléatoire. Dans ces 50% résident les meilleurs profils, qui, du coup, décident d’aller voir ailleurs. À ce stade, on parle presque de crime contre le recrutement.

Ce que les recruteurs pensent 
Souvent, les raisons avancées derrière ce refus quasi-systématique de divulguer le salaire sont :

  • Les écarts de rémunération au sein d’un même poste

  • La volonté d’avoir le champ libre pour négocier (à la baisse)

  • La peur d’être en dessous du marché et/ou la méconnaissance du marché

  • La confidentialité

Autrement dit, celà relève le plus souvent du dysfonctionnement interne, du manque d’insights assez facilement corrigible (à l’aide de services comme Figures)... ou de la malhonnêteté pure. Donc un ensemble de situations où vous ne devriez même pas être.

Ce que les candidats pensent

La solution
La fourchette est souvent décriée car trop large, ou alors pas assez.

Pourtant, elle répond à quasiment tous les critères des candidats qui, encore une fois, ne demandent que des informations lorsqu’ils parcourent une offre : “Pourrais-je vivre convenablement avec cet emploi ?”.

Une fourchette leur donne un élément de réponse clair, même si effectivement, les postulants iront toujours viser la tranche haute de ce qui leur est présenté.

La marche à suivre devient alors évidente : 

  • Ne plus dissimuler le salaire sur ses offres

  • Se lancer avec une fourchette plus ou moins élargie

  • À terme, potentiellement évoluer vers une stratégie basée sur la transparence, avec l’établissement d’une grille de salaire

Se reconnecter avec ses candidats

L'œil (très) avisé aura sûrement remarqué une chose : tous ces éléments ne sont pas forcément évidents de prime abord, mais ils peuvent être facilement corrigés en envoyant un tout petit peu plus de considération dans la direction des candidats, comme pour mieux appréhender leur propre vision d’un process de recrutement.

Et là se cache le secret d’une excellente expérience de candidature, qui vient soigneusement éviter de brandir tout red flag : il suffit de faire un pas vers l’autre, vers son ressenti, ses besoins, ses attentes… et dans la mesure du possible, s’adapter.

Pas besoin de budget improbable ou d’outil dernier cri, c’est vraiment dans l’intention que les entreprises peuvent faire toute la différence et se différencier des autres, en sécurisant les meilleurs talents.

On peut même commencer par de toutes petites choses : revoir ses templates, la fluidité des échanges, revisiter le parcours de candidature… Ou alors se lancer directement dans les grands chantiers mais, dans tous les cas de figure, l’ambition demeure la même : redonner une place au candidat, pour finalement améliorer l’expérience et les résultats de toutes les parties.

Mick Nertomb