La transition énergétique est sans aucun doute LE défi majeur du 21ᵉ siècle.
Et si tout le monde (citoyens, collectivités, gouvernements) a son propre rôle à jouer pour tenter d’éviter le dépassement de nouvelles limites planétaires, les entreprises, elles, sont au premières loges pour incarner cette transition, à travers l’expertise, à travers l’industrie, à travers le génie civil et surtout… à travers leurs effectifs.
Alors que les gouvernements du monde entier s’efforcent (plus ou moins) d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 - conformément à l’Accord de Paris, il devient donc évident que cette transformation ne se fera pas sans une profonde réorganisation des systèmes énergétiques et des métiers qui les soutiennent.
À travers des secteurs tels que les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, ou encore la mobilité électrique, les métiers de terrain se positionnent comme un levier stratégique de cette transition.
Cependant, pour que cette transformation soit un succès, des efforts considérables devront être réalisés pour répondre aux besoins en compétences, adapter les politiques publiques, et moderniser les stratégies de recrutement.
Lesquels ?
On vous explique tout en explorant le rôle crucial des métiers de terrain dans la transition énergétique, et les moyens mis à disposition des entreprises pour maximiser l’impact de leur force de travail.
Une nouvelle industrialisation massive portée par les métiers de terrain
Aujourd’hui, 80% de la production d’énergie mondiale est toujours originaire du secteur fossile (charbon, pétrole, gaz naturel), alors que les renouvelables grattent tristement quelques points chaque année (15% aujourd’hui), souvent au détriment du nucléaire (5%).
Or, pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, il faudrait faire baisser la part des énergies fossiles à 15-20% d’ici 2050.
Un chantier colossal en sachant que, depuis la signature du traité par les 195 parties, la part des énergies fossiles… n’a pas cessé d’augmenter.
…Et à un rythme plus élevé que celui les énergies renouvelables.
Pas le choix donc : il va falloir accélérer, inverser la mouvance actuelle, et vite. Oeuvrer pour déclencher une impulsion pour légitimer les énergies renouvelables à travers une réindustrialisation massive de la production d’énergie des grandes puissances mondiales.
Une ambition qui semble démesurée à première vue, mais qui, entre les lignes, devrait générer un impact inédit pour l’emploi.
Car la transition énergétique repose sur un ensemble de technologies et de pratiques émergentes, la plupart de pointe, nécessitant une force de travail ultra qualifiée. Au sein du secteur des énergies renouvelables (solaire, éolien, hydrogène), des systèmes de stockage, ou encore de l’efficacité énergétique, c’est toute une vague de nouveaux travailleurs experts de leur domaine qui devront incessamment sous peu être recrutés, formés, motivés et accompagnés au quotidien.
Et on ne parle pas d ’un mouvement mineur et sans impact. Selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), la transition énergétique pourrait générer 122 millions d’emplois dans le secteur énergétique d’ici 2050, dont 43 millions uniquement dans les renouvelables.
Ainsi, investir 1 million de dollars dans l’énergie solaire -par exemple- générera 12 emplois directs, contre seulement 2,65 dans les industries fossiles actuellement. Une dynamique qui illustre l’importance des métiers de terrain dans l'élaboration, la construction, l’installation, et la maintenance des infrastructures vertes.
Enfin, il est aussi nécessaire de considérer toutes les conséquences que ce revirement va avoir sur d’autres industries, sur d’autres secteurs comme le transport, la logistique, l’agro-alimentaire, la construction et le BTP…
Côté transport et logistique, les usages devront évoluer pour répondre à de nouvelles exigences : assurer la circulation de matériaux durables, acheminer des équipements renouvelables, ou encore gérer la chaîne d’approvisionnement des technologies vertes comme les batteries ou l’hydrogène.
L’agroalimentaire, pour sa part, pourrait intégrer des systèmes énergétiques décentralisés et recourir davantage aux biocarburants pour réduire son empreinte carbone.
Quant au bâtiment et aux travaux publics (BTP), la construction d’infrastructures adaptées – qu’il s’agisse de parcs solaires, d’éoliennes offshore, ou de réseaux intelligents – fera appel à une main-d’œuvre spécialisée en ingénierie, maintenance et gestion de projets verts.
Une chose est donc sûre : ce maillage complexe de secteurs interconnectés souligne l’ampleur du défi qui nous attend sur ces 30 prochaines années. Mais il met aussi en lumière les opportunités extraordinaires pour moderniser les pratiques, attirer de nouveaux talents et, surtout, repositionner l’économie mondiale sur des bases résilientes et durables.
La transition énergétique, loin d’être un simple ajustement technique, devient ainsi un projet sociétal total, porté par les entreprises.
Une reconversion massive à anticiper
On a souvent tendance à interpréter avec un certain manichéisme les avancées technologiques les plus inattendues : c’est par exemple l’IA qui va soit piquer tous nos emplois, soit nous porter vers une sorte de symbiose biologique-technologique en nous ouvrant les portes du transhumanisme.
Sauf que dans l’immense majorité des cas, la réalité est quasiment toujours plus… nuancée.
Dans le contexte d’une transition énergétique passant d’une production principalement fossilisée à un mix plus renouvelable, tous les métiers, tous les travailleurs des secteurs pétrolier et chimique ne seront pas simplement abandonnés : au contraire, ils s’adapteront.
Ainsi, pour garantir une transition équitable, des politiques publiques ambitieuses seront nécessaires. Des programmes de reconversion professionnelle, tels que ceux développés par Engie au Chili dans le cadre du plan de sortie du charbon, joueront un rôle clé dans la réorientation des travailleurs vers des secteurs en plus forte croissance.
Mieux, la force de travail est déjà elle-même engagée dans l’effort de transition, avec 56% des salariés du pétrole et du gaz souhaitant se reconvertir dans les énergies renouvelables, selon une étude Brunel & Oilandgasjobsearch. Les grands acteurs (produisant de l’énergie fossile et verte) ont donc un rôle crucial à jouer pour accompagner leurs collaborateurs dans cette mutation, notamment à travers des programmes de formation spécifiques, des parcours de reconversion personnalisés et une mise en lumière des opportunités au sein des filières renouvelables.
Cependant, ces initiatives ne se limitent pas à la seule montée en compétence technique : elles doivent aussi inclure des mécanismes d'accompagnement psychologique et professionnel, permettant aux travailleurs de valoriser leurs compétences transférables tout en s’adaptant aux exigences des nouvelles technologies vertes. Ce double engagement, économique et humain, est la clé pour réussir une transition juste, tout en maintenant une main-d’œuvre motivée et qualifiée.
Engie, encore une fois, propose un Graduate Program offrant des missions de terrain et des formations de pointe pour ses jeunes collaborateurs. En parallèle, l’entreprise a créé l’Académie des métiers de la transition énergétique et climatique, un centre de formation d’apprentis qui accompagne les profils techniques (CAP à Bac+2) vers des métiers d’avenir dans les renouvelables.
Toujours dans l'hexagone, le Réseau Action Climat s’illustre quant à lui avec des initiatives locales ciblées. Par exemple, dans les bassins d’emploi touchés par la décarbonation de l’économie, des projets collaboratifs réunissent entreprises, acteurs publics et CFA pour préparer les travailleurs des secteurs en déclin à intégrer les filières en expansion.
Enfin, sur la scène internationale cette fois, l'IRENA collabore avec les gouvernements et les grands groupes pour structurer des politiques de transition juste. L’agence met ainsi en avant l’importance des chaînes d’approvisionnement locales pour créer des emplois liés aux énergies renouvelables dans des pays comme le Brésil, la Chine ou encore le Nigéria. Ces efforts incluent la formation à des compétences spécifiques en fonction des technologies déployées (solaire, éolien, biocarburants).
Nous nous retrouvons donc avec un challenge mondial à résoudre sous un délai particulièrement urgent, une réindustrialisation porteuse d’une vague inespérée de nouveaux emplois, des politiques de reconversion pour ne pas laisser les travailleurs actuels sur le carreaux et… tout ce qu’il manque donc, c’est la montée en puissance des entreprises pour rendre tout cela possible.
Ce qui, entre nous, n’est clairement pas la tâche la plus ardue du projet global.
La place déterminante des entreprises, et leur capacité à recruter
Aujourd’hui, pour certaines équipes de recrutement, la pénurie de talents fait rage, plus personne ne veut travailler, les postes ouverts restent désespérément vacants, le sourcing n’a jamais été aussi difficile et les postulants sont de plus en plus braqués, attendant des conditions de travail exceptionnelles des entreprises.
Même son de cloche de l’autre côté, où pour certains candidats, tous les RH méritent le bûcher, le marché du travail est totalement obstrué, le ghosting est devenu un sport olympique et il est devenu impossible d’être embauché pour un travail alimentaire sans vendre son âme au capital.
L'alarmisme ambiant est très, très réel et cela n’aide clairement pas le monde du recrutement à anticiper sa propre transition.
Car pour réussir cette transition, les entreprises doivent impérativement anticiper les transformations du marché de l’emploi et renforcer leurs efforts en matière de recrutement, en ciblant à la fois des profils qualifiés et en attirant de nouveaux talents.
Comment ?
En allant au-delà des réseaux professionnels
Les profils opérationnels et techniques indispensables à la transition énergétique sont souvent absents des réseaux professionnels comme Linkedin, ce qui rend le sourcing traditionnel très compliqué. Miser sur les réseaux sociaux plus répandus comme Facebook ou Instagram peut se révéler particulièrement pertinent pour cibler des profils très qualifiés. Par exemple, nous avons réalisé pour Enedis plusieurs campagnes ayant généré plus de 300 candidatures en seulement quelques jours.
En développant sa marque employeur pour inspirer et fidéliser
La marque employeur joue un rôle fondamental pour motiver les générations actuelles et futures à s'engager dans la transition énergétique. Encore une fois, Enedis est un excellent exemple de structure ayant lancé des campagnes impactantes, mettant en avant les défis environnementaux comme une source de motivation et de fierté pour leurs collaborateurs présents et futurs. Le leader français a notamment mis en scène ses agents en tant que "héros du réseau", soulignant à la fois les enjeux techniques et leur contribution à un projet sociétal majeur.
En créant des vocations
Plus que jamais, les jeunes générations recherchent des métiers qui ont du sens. Près de 76 % des étudiants d'écoles d'ingénieurs souhaitent s'engager dans des secteurs liés à l’environnement, mais une méconnaissance des métiers techniques limite encore leur orientation vers ces filières. Des initiatives comme les programmes d’alternance, les initiations, les journées portes ouvertes ou les collaborations avec les écoles et organismes de formation ciblent cette population en leur offrant une formation concrète et en communiquant sur l'impact sociétal de ces professions.
En gros, les entreprises peuvent elles-mêmes devenir une source d’inspiration pour leurs futurs collaborateurs.
En conclusion, toute la transition énergétique repose sur un projet global mêlant ambition environnementale et transformation économique. C’est un bouleversement majeur de notre histoire en tant que civilisation qui s’opère, dès aujourd’hui, devant nos yeux. Et aujourd’hui, les métiers de terrain jouent un rôle primordial pour mener à bien cette ambition, mais leur succès dépendra surtout de la capacité des entreprises à identifier, approcher, recruter, former et motiver leurs équipes. En investissant dès aujourd’hui dans des outils modernes, des approches attractives et des programmes de reconversion innovants, les entreprises peuvent non seulement surmonter les défis de la transition, mais également contribuer à façonner un avenir durable pour les générations à venir.
Mais pour arriver à celà, un déclic reste nécessaire, une prise de conscience. Celle que l’heure tourne, que les politiques arrivent doucement mais sûrement, mais qu’il faut déjà intensifier les efforts, dès maintenant : prendre à cœur son rôle de moteur dans cette révolution énergétique mondiale, et apprécier avoir la main sur la construction d’un monde devenu plus responsable.
Sources
McKinsey - Talent squeeze planning for the energy sector’s talent transition
FAS - Talent pipeline for the clean energy transition
IRENA : Skills development and inclusivity for clean energy transitions
SP Global : Skills shortage imperils global energy transition
Solar Builder Magazine : Solar has a labor shortage: Digital enablement of frontline workers can help
World Economic Forum : Skills and jobs for the energy revolution
IDB Report : Implications of the energy transition on employment
Cairn.info : Notes du Conseil d’Analyse Économique 2023